Comme son nom l’indique (Dans quel sorte de criole n’est absolument pas une évidence, vous en conviendrez…) Juan Ernesto Wildbeard a une barbe sauvage et rousse dont les boucles folles contrastent avec sa chevelure soigneusement tirée en catogan et lui donnent un aspect rude et impressionnant. Il sort assez peu de sa Propriété mais le matin il est dans ses plantations, l’après-midi tout à son Golf (Avouez que cela passe assez mal avec l’image qu’on se fait de lui mais c’est ainsi…) et généralement le soir à siroter un cocktail sur la Varangue avant d’aller travailler à son Bureau dans la Case ; on le voit donc peu mais lorsqu’on le voit, il a toujours une de ses anciennes tenues de Capitaine, l’une étant de bleu et rose à boutons assortis, dans le style dit « Soutane Froissée », l’autre de noir recoupé de violet à boutons argentés… Passe difficilement inaperçu mais a dû être, fût un temps, le dernier cri de la mode Pirate à Santa Crouze et Tortuga !
Ce côté excentrique du Gouverneur de l’Ile du Lézard Jaune ne doit pas masquer pour autant le caractère autoritaire un tantinet « castrateur » et « claustrateur » du Personnage : voyez un peu comme il garde jalousement sa fille des regards et des dangers de l’extérieur, regardez comme il a fermé l’Ile du Lézard Jaune sur elle-même en interdisant formellement à ses administrés de naviguer et d’apprendre à nager (même si cet interdit provient plus sûrement de sa notoire peur de l'eau !) ; l’île elle-même semble, pourrait-on dire, se dépérir de cet enfermement, en témoignerait la Moisissure…
Ce n’est pas à cause de cet aspect du Gouverneur que Poerava se serait éprise de la liberté totale sur les hautes mers du Monde Connu, ni même à cause de son exemple passé dont ne subsistent que peu de restes au quotidien : on le sait, Poerava a cela dans le sang… et quel sang ! Pourtant, il est évident que l’attitude Gouverneur et son exemple à imiter ou à rejeter ont servi de catalyseur. De même pour Elorria, une nouvelle facette de notre Personnage est à évoquer, là encore catalyseur, même si plus probablement à son insu…
Car le Gouverneur a aussi un côté sombre et un passé pour le moins obscur, qu’il a enfoui dans les voiles de sa mémoire et de son silence. Tout juste si on peut apprendre, en fouillant ses affaires, qu’il a été percepteur des impôts et marié puis qu’il a tout quitté (ou le contraire) et qu’il a donné dans la Piraterie un certain temps, non sans quelques succès semble-t-il. Et puis il y a cette correspondance avec des personnages mystérieux de Hailthé, ces cartes dessinées de l’île et d’autres archipels, cette tentative d’effacer l’Ile des Zèbres d’une carte probablement dessinée de sa main, etc. On peut soupçonner, sans confirmation factuelle cependant, qu’il a posé son pied en peu de temps en maints endroits, et pas parmi les plus « touristiques » du Monde Connu !
Et de tout cela que semble-t-il rester ? Un homme mûr excentrique et renfermé, planteur, golfeur et scribouilleur selon les heures de ses journées qui se suivent et désormais se ressemblent, un homme également qui voue un amour maladif à sa fille et ne voit pas forcément où se trouve son bien. Mais ne serait-ce pas pour oublier le reste ? Les mauvais coups peut-être… Mais ne cherche-t-il pas aussi à chasser une certaine nostalgie de cette époque libertaire et peut-être libertine, et aussi une nostalgie plus profondément enfouie de l’encore avant ?
Eh bien, de cet homme nous ne dirons guère plus. Il joue un rôle autoritaire et castrateur dans ce Scénario – à la limite qu’il soit présent ou non dans l’une de ses scènes – mais il a une profondeur que tu pourras également utiliser, Ami Meneur, dans les nombreuses « séquelles » du Rapt de la Suzon qui ne manqueront pas de nous ou te venir !