Quelques aperçus de l’Intérieur de l’île
L’essentiel de la population et des terres exploitées de Santa Crouze se trouve près de la côte, dont une bonne moitié derrière la protection d’une barrière récifale. Il serait pourtant limitatif de réduire la culture Crozaise à cette « Ile de la Côte », même si l’île est résolument tournée vers la mer : ce serait oublier, en effet, les Mineurs du Massif du Tire à la Canne, les Plantations de Villa-Flore et, encore plus, les Petits Blancs du Haut de Maux-Gane et le Vaudou de Porte La Croix… Nous allons d’ailleurs nous attarder un peu sur ces deux derniers milieux, dont l’influence sur l’ensemble de la culture insulaire particulièrement forte…
Chacun porte sa croix à Porte La Croix
Malgré son caractère peu propice, le site de Porte La Croix est occupé depuis des lustres et quelques belles lurettes par des Carabine – en particulier une multitude de générations de leurs Samanes et les apprentis de ces derniers – en vertu du caractère sacré prêté aux bois et collines environnant, habités – est-il dit – par un Grand Esprit ancestral et son clan, prenant l’apparence d’un immense cerf suivi de son harem et ses enfants.
A l’arrivée des Kolons fut construite en ces lieux (dès 636, soit 300 ACU), comme on s’en sera douté, une Katédrale, dépendant théoriquement directement de l’Arsivek de Pont-aux-Pitres. Ces lieux devinrent le plus grand pèlerinage Kristin des Petites Carabine durant les soixante-dix années qui suivirent et plus : le « Grand Esprit » Carabine était en effet vu comme une incarnation miraculeuse de Krist. Chacun lui apportait une petite croix pour la laisser sanctifier en une sorte de Talisman porte-bonheur.
Ceci dit, au cours des années 700 (soit vers 235 ACU), avec la fulgurante expansion du Vaudou, le cerf immense qui se donnait toujours à voir avec sa compagnie – autant si ce n’était plus ! – fut clairement « reconnu » par les Houngan et autres Mambo Halithé comme une manifestation incroyablement forte de Grand-Bois ; le pèlerinage Kristin se teinta alors fortement de Vaudou et en fut ensuite complètement modifié – perverti, dirent certains mais peu de temps durant : sous sa forme Vaudou, en fait, le pèlerinage continua à se développer et gagner en notoriété, toujours à base de croix et non sans faire référence à la fois au cerf immense et à Krist… Autant dire que ce fut alors l’apogée du « tourisme » Santacrouzien et que cela contribua au passage à l’enrichissement de Tunetéméfié. Cette période dura quelques vingt ans.
Bien que cela ne soit pas bien compris, ni même vraiment connu, dans les détails, se développa alors, dans les milieux les plus obscurs du Vaudou, c’est-à-dire parmi les Bokor de Lallegria à Tunetéméfié, l’idée que ce culte populaire à Krist basé sur des croix ne pouvait être qu’une horrible méprise et que le Loa que l’on devait vénérer en ces lieux était en réalité Baron (Kristyan) Lacroix, autrement dit la version la plus « stylée » de Baron Samedi !
A la hauteur de ladite « horrible méprise », horrible fut la solution trouvée : en pleine haute saison et dans le plus grand des secrets, en 723 (213 ACU) pour être précis, un groupe de puissants Bokor se réunit et organisa une « Danse Macabre » pour Baron Lacroix, une danse avec les morts du (déjà) Grand Cimetière de Porte La Croix à laquelle les Pèlerins furent, bien malgré eux, invités… Ce ne fut pas au goût du plus grand monde et les Pèlerins prirent leurs cliques et leurs claques dès que possible le lendemain pour ne plus jamais revenir.
Cela se sut très loin et s’en fut fait du Pèlerinage, malgré les mesures prises par le Gouvernorat, dont il reste, notamment, jusqu’à ce jour l’interdiction de la pratique du Zombi sur toute l’île. Rien n’y fit : la Katédrale fut laissée à l’abandon et à une ruine progressive (L’Arsivek de Pont-aux-Pitres ayant, visiblement, d’autres chats à fouetter…) tandis que ses chapelles furent déconsacrées et dédiées aux Guédés, en particulier à Sintexpédié. Aujourd’hui, Porte La Croix est devenu un haut lieu Bokor, dont Sitrane est l’un des – sinon le – représentants les plus talentueux, et il ne fait pas bon y traîner après le crépuscule…
Le Haut de Maux-Gane
Le Haut de Maux-Gane est le lieu de naissance de Ana-Isabel, aujourd’hui Gouverneur de toute l’île : et qui aurait pu imaginer un tel destin en voyant l’humilité et la pauvreté des lieux ? Laissons cependant l’Histoire et ses hasards et dressons un tableau objectif de ce Secteur des plus ingrats de Santa Crouze. La Route des Hauts reliant Porte La Croix à Bonne-Vue, le Haut de Maux-Gane date de la fin des années 80 du Calendrier Universel et une première piste n’existe que depuis les années 720 (215 ACU)… Ainsi resté longtemps mal accessible, le Haut de Maux-Gane fut très vite un refuge pour les Esclaves Marrons qui s’échappaient des Plantations et parvenaient à traverser le Plan de Feu. Ils y établirent un village et défrichèrent pour survivre en autarcie.
D’autres, des Petits Blancs, poussés par là au gré des périodes difficiles qui n’ont pas manqué d’émailler l’Histoire de Santa Crouze, arrivèrent peu à peu et découvrirent l’existence du village de Maux-Gane (nom à la signification maintenant obscure que les Marrons avaient déjà donné aux lieux) et s’y installèrent.
Vers les années 700 (235 ACU), le village était devenu suffisamment important pour ne plus pouvoir être caché plus longtemps et la population était devenue depuis longtemps un mix Kriole comme on sait bien les faire dans les Petites Carabines. De plus, l’intérêt stratégique (pour la défense de l’île) d’une « Route des Hauts » se fit sentir. Finalement, la piste fut ouverte après encore vingt ans et permit une desserte de Maux-Gane.
Autant partirent que de nouveaux vinrent, tant le Secteur est difficile à mettre en valeur. Ainsi, Maux-Gane continua son développement végétatif mais répandit aussi les traits spécifiques de sa culture dite « Petits Blancs des Hauts », faite d’un grand Fatalisme juste relevé de Pimen Zwazo et petits agrumes, dans la grande soupière de Santa Crouze.